Le Collectif de chrétiens en Pays Basque « ATXIK
BERRITUZ » [Tenir en (se) renouvelant] a été créé en novembre 2012, à la
faveur de l'anniversaire de la Conférence d'Aiete, avec la volonté de s'engager
dans le chemin ouvert par la Conférence et la décision historique de l'ETA
d'abandonner la lutte armée.
Font partie de ce Collectif des associations ou
groupes de travail déjà existant et à l’œuvre, tels que « Fedea eta
Kultura », « Fededunak », le groupe de prêtres « Herriarekin »,
« Presoekin elkartasunez », le CMR (Chrétiens dans le Monde Rural),
certains membres du « Groupe de dialogue inter-religieux » de Bayonne
Sainte-Croix...
Dans notre document fondateur, nous disions « l'urgence d'initiatives à prendre
pour manifester l'engagement de tous les croyants en faveur de la Paix au Pays
Basque et leur volonté de rejoindre tous les efforts en cours dans la société
civile. » Cet appel avait été signé par plus d'une centaine de
personnes, parmi lesquelles Mgr Marc Aillet, et aussi Mgr Jacques Gaillot.
C'est dans cet esprit que nous avons pris
l'initiative d'organiser trois rencontres.
La première a eu lieu le jeudi 11
avril à la Maison Diocésaine de Bayonne. Elle a rassemblé environ 70 personnes.
Nous avons visionné le documentaire « Fenêtres
sur intérieur » dressant le portrait de cinq Basques emprisonnés pour
des raisons liées à la problématique de leur pays. S'en est suivi un échange
entre les participants. Certains ont fait part de situations familiales
douloureuses, dues notamment à l'éloignement des prisonniers et à leurs
conditions d'incarcération. La soirée s'est achevée par un temps de prière.
La deuxième soirée s'est déroulée le jeudi 16
mai, toujours à la Maison Diocésaine. Environ 80 personnes étaient présentes.
L'objet de la soirée était de donner « la parole aux diverses victimes du
conflit basque ». Après un brillant exposé de Magalie Besse (Directrice de
l'Institut Universitaire Varenne) situant l'enjeu, les parents d'une jeune
fille indirectement victime (11 ans à l'époque des faits en 1991 – non atteinte
dans son intégrité physique) d'un attentat d'IPARRETARRAK avaient accepté
d'apporter leur témoignage. La victime directement visée, présente dans la
salle, a ensuite spontanément pris la parole en « se mettant à nu »
et, s'adressant directement à d' anciens militants d'IK présents aussi dans la
salle, leur a fait la proposition d'une rencontre directe et personnelle. Deux
anciens d'IK présents ont aussi spontanément pris la parole. Je pense pouvoir
dire que l'ensemble des personnes présentes a été extrêmement touché par l'émotion
et l'intensité de ces témoignages et échanges, par ailleurs très respectueux.
Ces intervenants se sont félicités d'avoir eu l'opportunité de s'exprimer sur
ces faits qui restent inscrits en eux. Enfin, l'avocate Maritxu Paulus Basurco
(ayant excusé l'absence d'une victime de tortures retenue par des obligations
familiales qui devait s'exprimer) a fait part, en s'appuyant sur plusieurs
exemples concrets, de la souffrance des prisonniers et de leurs familles.
Une troisième rencontre est programmée pour le
dimanche 10 novembre à Belloc à 15h30 en deux parties : chants, poèmes sur
la Paix, intervention de Mgr Uriarte (évêque émérite de Saint-Sébastien), puis
vêpres chantées en basque.
L'objet de ces rencontres n'est pas, bien
entendu, de chercher les responsabilités, de savoir qui a tort ou qui a raison.
L'objet de ces soirées est, avant tout, de créer des lieux à la fois
d'expression et d'écoute de la souffrance. De toutes les souffrances, sans
aucune exclusion, à partir du moment où elles sont la conséquence d'une
violation des droits de la personne humaine. Et ici nous incluons toutes les
victimes, comme nous le disions dans notre document-fondateur : « les victimes de la violence armée de
l'ETA, d'IPARRETARRAK, des groupes para-policiers et de ce qu'il faudrait
appeler le terrorisme d’État. » Et ceci dans le but non pas de « faire
dans la victimisation », mais, à l'inverse, d'aider les victimes à dépasser
le stade de la victimisation, les aider à prendre conscience que leur vie vaut
mieux que la souffrance et les aider à se réapproprier ainsi la souveraineté de
leur propre personne.
L'objectif de ces rencontres, en fin de compte,
est de faire que la communauté chrétienne apporte sa contribution spécifique au
processus de Paix qui est en cours. Elle est dans son rôle lorsqu'elle crée des
lieux de parole, d'écoute et d'échanges, et qu'elle mobilise en son sein un
auditoire à la fois accueillant, bienveillant et compatissant. Les plaies
ouvertes par le conflit armé sont à vif : il convient de les traiter et de
les soigner avec une extrême délicatesse et une extrême attention. La première
démarche dans ce sens est sans doute de changer
notre regard : c'est ce que nous appelons dans notre jargon la conversion.
Il s'agit tout d'abord, de regarder le passé
(le passé récent) avec un autre regard. Ce qui doit conduire non seulement à établir
que peuvent exister divers points de vue, mais aussi à initier une autocritique
de ce passé. Il nous faut, en outre, construire un nouveau « présent ». Et quel est le fondement de ce nouveau présent
? Mgr J.M. Uriarte répond de la manière suivante : « Une décision ferme : « nous ne reproduirons plus ce
qui s'est passé ; nous ne bafouerons ou ne violerons les droits d'aucune
personne ». Pour que ce présent nouveau porte ses fruits, il faut
aussi préparer le « futur »,
c'est à dire prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que le passé ne
se reproduise. Ces mesures, pour une grande part, relèvent des responsables
politiques, des divers partis et des médias, avec l'aval et l'exhortation de la
population.
Il nous faut ensuite changer notre regard sur
l'autre :
- en
tenant l'autre (l'ancien ennemi) pour son égal ;
- en
reconnaissant volontiers que l'autre est différent,
-
et, enfin, en reconnaissant que les droits de la personne humaine sont
inviolables.
En conclusion, l'enjeu (ou le défi) est de créer
un nouveau vivre-ensemble. Nous savons que la route sera longue et semée d’embûches.
Mais il nous faut y croire envers et contre tout, sachant qu'il n'y a pas
d'autre alternative. En même temps, nous devons être convaincus que nous vivons
et sommes appelés à vivre une période historique. Il nous faut impérativement
prendre part à cette construction avec enthousiasme et courage.
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